… en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas au modèle Amish…

Emmanuel Macron, le président qui aime punchlines

Emmanuel Macron est sans doute l’un des dirigeants français les plus associés à un style de communication vif, tranchant, parfois visionnaire, souvent maladroit. Ses formules frappent, circulent, s’amplifient. Elles sont devenues à la fois des marqueurs de sa présidence et des objets de controverse.

Au cœur de cette rhétorique, un moment devenu emblématique « J’entends beaucoup de voix qui s’élèvent pour nous expliquer qu’il faudrait relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ! Je ne crois pas au modèle Amish, et je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine. »

Petit rappel du contexte : le 14 septembre 2020, devant les entrepreneurs de la French Tech, Emmanuel Macron défend le déploiement de la 5G et répond indirectement à une demande de moratoire formulée par une soixantaine d’élus écologistes et de gauche. Il oppose deux visions : le progrès technique, nécessaire pour relever les défis contemporains d’un côté et un imaginaire rétrograde, symbolisé par la “lampe à huile” et les “Amish”.

Il a été perçue comme une attaque contre les écologistes, alors même que la Convention citoyenne pour le climat — qu’il avait lui-même lancée — proposait un moratoire sur la 5G, et souligne le contraste entre la promesse écologique et la défense agressive du numérique. La référence aux Amish, peuple réel, a été de plus vue comme culturaliste et caricaturale.

Frappe qui aurait pu être puissante pour celui qui voulait faire de la France la « start up nation » (concept central de son premier mandat, prônant innovation, mobilité, entrepreneuriat), mais il manque cohérence et poids de corps.

Le style Macron est une une communication punchy, ambivalente, parfois brutale. Une forme de qualité mais, avec le recul, un manque de fond.

Macron utilise volontiers un registre familier dans un cadre institutionnel — ce qui crée un contraste saisissant avec sa fonction.
Ces phrases étonnent, agacent, séduisent, mais ne laissent jamais indifférent.

Principales caractéristiques :
• Phrases courtes, imagées, faciles à mémoriser.
• Provocation assumée, souvent en réaction à une interpellation.
• Une pratique du “direct” qui détonne avec la fonction présidentielle.
• Une recherche permanente d’un effet de manche, voire d’un effet de scène.

Certaines sont devenues de véritables repères culturels, reprises en boucle dans les médias, transformées en mèmes, caricaturées.

Et quelques-unes surtout ont marqué la société, car elles révèlent un angle mort de son rapport à la réalité sociale.

Voici quelques punchlines marquantes, classées par thème

  • sociales : entre déconnexion et volontarisme
    • « Je traverse la rue, je vous en trouve ! » en 2018, à un jeune horticulteur au chômage), devenu le symbole immédiat d’une supposée déconnexion avec les difficultés des Français.
    • « Les gens qui ne sont rien. » en 2017, à la gare de Lyon, devant les anciens salariés de GM&S, devenue iconique, souvent sortie de son contexte, mais qui a profondément choqué. N’oublions pas une version plus positive du même propos, largement ignorée « Ceux qui ne sont rien peuvent devenir quelque chose. »
    • « Les Gaulois réfractaires au changement. » Étiquette posée sur une frange de la population, souvent perçue comme condescendante.
    • Ces phrases touchent parce qu’elles sont prononcées du haut de l’État, avec un ton frontal inhabituel pour un président. Elles deviennent instantanément des marqueurs politiques, associés à un rapport vertical au peuple.
  • globales : innovation, climat, souveraineté
    • « Make our planet great again. » fut la riposte à Trump après le retrait des États-Unis des accords de Paris. Ce coup de com magistral, viral, mais jugé paradoxal au vu de certains arbitrages ultérieurs sur l’écologie (dont… la 5G).
    • Le « Quoi qu’il en coûte. » en 2020 face à la crise du Covid fut l’une des phrases les plus fortes de son quinquennat, devenue symbole de la mobilisation totale de l’État
  • “coup de coude”, réactions à chaud, oratoires ou improvisées
    • « Je passe. » à une ouvrière décrivant des conditions de travail difficiles, n’est pas passé et ne passe toujours pas.
    • « En même temps. » est devenu une marque de fabrique, symbole d’ambiguïté, finement politique pour certains, floue et irritante pour d’autres. Si le fond avait été là, il aurait touché quelque chose de juste car il y a des bonnes choses (parfois le thème plus que la mise en oeuvre) à prendre dans tous les partis politiques, centristes comme extrême.
    • Ces phrases, souvent prononcées en déplacement, au détour d’un micro, ou dans des moments d’improvisation, illustrent un rapport spontané au langage, dont la maîtrise est parfois un atout… et parfois un piège.

Ce que montrent ces punchlines : un président qui veut frapper… sans renverser

Macron frappe vite, fort, mais court :
• La punchline vient marquer un point.
• Elle vise à redéfinir la scène mais malheureusement dans une vision binaire du monde (progressistes vs. rétrogrades, innovateurs vs. rassuristes) qui est un concept mental archaique adapté aux problèmes compliqués plus qu’aux enjeux complexes – paradoxal pour un homme aussi intelligent.
• Elle crée un cadre mental.

La communication d’Emmanuel Macron repose sur des phrases-chocs qui alimentent autant l’adhésion que la controverse.
Elles dessinent le portrait d’un président :
• à l’aise dans la confrontation verbale,
• adepte de la provocation contrôlée,
• obsédé par la notion de progrès,
• mais souvent rattrapé par une perception de distance sociale.

Dommage, il aurait pu être fort, dans la forme s’il y avait eu plus de fond, de préparation, de connexion. Punchline mais pas de pitch car les français n’ont pas acheté (au délà de l’exceptionnelle 1ère campagne présidentielle).

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